>>>> La vie dans une plantation de canne à sucre...
C'est avec AxxA et son mari NxxxY, que j'ai découvert ce qu'était que de vivre au rythme du Swaziland...
AxxA est une femme au foyer d'une cinquantaine d'années, qui habite une maison située en plein milieu des champs de canne àsucre, à Tambankulou. Elle est originaire de Durban, mais a quitté l'Afrique du sud à 19 ans, quand elle est tombée enceinte, pour suivre son futur mari Swazi d'adoption (né Zimbabwéen, mais comme beaucoup de blancs au Swaziland, jeté dehors par le régime dictatorial de Mugabe).
NxxxY, son mari, travaille dans la canne à sucre, comme toutes les personnes des environs d'ailleurs... Il dirige la division irrigation de sa compagnie, Tongaat Hulett, la plus grosse exploitation sucrière de la région après The Royal Swaziland Sugar Corporation Limited (RSSC), celle du roi. Quand l'exploitation était sous l'égide Israélienne, il dirigeait la division "agrume", mais suite à son rachat par les sud africains, les champs d'agrumes ont été remplacés par la canne à sucre, plus rentable, et les personnes qui y travaillaient ont été remerciées. NxxxY a eu de la chance... Il a pu être reclassé. Certes, il a perdu des avantages (voyage en Israël, aides familiales, assurance maladie, etc.), mais il a conservé sa maison payée par sa société, et son boulot aussi... Dans le temps, il y avait 35 familles blanches vivant sur l'exploitation... Il n'en reste plus que cinq aujourd'hui...
Quand je suis arrivée le samedi, AxxA est venue me chercher devant le supermarché Boxer de Simunye, à une vingtaine de kilomètres de chez elle, car là où elle habite, tu n'as ni transport, ni supermarché... Ce jour là, il pleuvait des cordes... On s'est vite réfugiées dans sa voiture et sommes directement rentrés chez elle.
Là, j'ai été accueillie par les 25 animaux, plus ou moins sauvages, qui vivent chez elle, en liberté : deux chiens, dix chats, trois chatons, huit dassies (des sortes castors), un singe (le seul à vivre dans le jardin), et le pire de tous, une mangouste prénommée Gecko. Ma mère me disait souvent, quand j'étais paniquée à la vue d'une araignée, que les petites bêtes ne mangent pas les grosses... Et bien c'est parce qu'elle n'a jamais rencontré cette furie de la nature... une petite bête au demeurant inoffensive, mais qui te court après et t'attaque sans crier gare quand tu rentres sur son territoire (qui est la buanderie et le jardin).
La plupart de ses animaux sont des rescapés... Habitant dans les champs de canne à sucre, à la saison des brûlis (avant de couper la canne, les compagnies sucrières brûlent les champs, augmentant ainsi la concentration de sucre dans la canne), les animaux qui vivent dans les plantations sont pris au piège des flammes, et les plus chanceux arrivent à s'en échapper et se réfugient dans son jardin. C'est ainsi qu'elle a récupéré Kiets, un chaton gris brûlé sur tout le flanc, un miraculé, car sa mère et les six autres chatons de la portée n'ont pas survécu (il a été retrouvé sous le ventre de sa mère, qui tentait, vraisemblablement, de le protéger), ou encore la plupart des dassies qui vivent chez elle...
Comme c'est de notoriété publique (tout se sait dans une communauté aussi petite), dès qu'un animal est blessé, c'est chez AxxA qu'il est envoyé... Le singe, il est arrivé chez elle car sa mère, qui n'avait pas encore mis bas, s'est fait renversée par une voiture - seul le nouveau-né a pu être sauvé ; Whisky, un des chats, a été transpercé par les griffes d'un aigle, tellement profondément que sa moelle épinière a été infectée ; les dassies, c'est de la casserole qu'ils ont été sauvés, car les Swazis, quand ils les trouvent dans les champs, ils les cuisinent en soupe ou en ragoût ; Katy, une chatte noire, a été récupérée car des enfants s'en servaient comme ballon de football quand elle était encore chaton ; quant à cet horrible Gecko, il a été retrouvépar un fermier car il gémissait. Il avait faim... Sa mère l'a rejeté car il avait des déformations physiques (sa queue et ses griffes étaient plus petites que la normale).
Du fait de son expérience, elle a reçu un pouvoir du Roi lui permettant de confisquer des animaux sauvages et de les garder temporairement chez elle, le temps de les remettre sur pied. Elle a ainsi gardé dans son jardin un zèbre, des singes, des mangoustes, etc. qu'elle a ensuite relâché dans les réserves des environs... Mais tout ça, elle le fait à titre bénévole, car le Roi est trop radin pour "l'officialiser" vétérinaire et financer une partie de l'alimentation ou des médicaments de tous ces animaux. Je l'appelle « AxxA au grand coeur », car en plus de ça, elle assiste, toujours à titre gratuit, le chirurgien vétérinaire du pays... Chaque année, elle participe à des sessions « ablation d'ovaires » sur les animaux des villageois. Pendant trois jours, une équipe de volontaires opèrent une centaine d'animaux afin d'éviter qu'ils se reproduisent. C'est une sorte de travail à la chaîne oùchaque volontaire a une mission bien précise... Le premier inocule l'anesthésiant, le second ouvre le chien ou le chat, le suivant (en l'occurrence AxxA, car elle a les doigts fins) attrape les ovaires et les coupe, puis un autre recoud, et le dernier s'occupe du réveil de tout ce petit monde...
Au fur et à mesure de nos conversations, j'ai découvert qu'elle était pâtissière aussi. Elle fait et vend des gâteaux d'anniversaire, de mariage ou de Noël à tous le pays. Tout a commencé quand elle a eu besoin de traveller's check de toute urgence, sachant que le délais normal est d'une semaine... Sa banquière a réussi à les obtenir à temps, et pour la remercier, elle lui a préparé un gâteau. Le gâteau était tellement beau et bon que sa banquière l'a rappelée le lendemain pour lui demander combien elle vendrait ses gâteaux si elle avait à lui passer une commande... C'est ainsi que son « business » est né... Enfin si on peut parler de business, car ayant un grand cœur, elle vend ses gâteaux environ 250 Lilangenis, et sa marge ne dépasse jamais les 10-20 Lilangenis (l'équivalent d'1 ou 2 €) par gâteau... Pas vraiment de quoi en vivre...
Et c'est du boulot, car elle a un répertoire de 600 clients, et à coup d'un ou deux anniversaires par an, cela fait pas mal de gâteaux à faire... Son « pic », c'est à la mi-décembre qu'il a lieu, lors de la fermeture de la plantation, quand tous les employés (du moins ceux qui en ont les moyen, car 25€ le gâteau, aussi bon ou beau soit-il, ce n'est pas à la portée de toutes les bourses) veulent rentrer chez eux avec un gros gâteau de Noël. 27 gâteaux la journée !
Le peu d'argent qu'elle se fait, elle ne le déclare pas, car elle serait taxée horriblement... Ces dernières années, pour renflouer les caisses du pays, le Roi a augmenter les impôts et taxes... Sa maison et son essence sont payés par l'entreprise de son mari, avantage qu'ils ont obtenu il y a trente ans et qu'ils ont réussi à conserver même après le rachat de l'entreprise par les sud africains... Mais depuis deux ans ils paient une taxe sur sa valeur... Elle leur coûte 4000 Lilangenis par mois (l'équivalent de 400 €), le prix d'un loyer s'ils devaient la louer... Son revenu supplémentaire, elle s'en sert pour nourrir ses animaux.
Le lendemain de mon arrivée, j'ai eu l'occasion de tester un des ses gâteaux... Un spécial celui là, car il faut une année pour le préparer... C'est un « fruit cake », et chaque semaine, pendant plus ou moins un an, tu l'imbibes de Brandy. C'est un gâteau et cadeau qu'elle a fait à son amie SxE, pour son cinquantième anniversaire.
SxE et DxxE est un « jeune » couple de quinquagénaires qui vit dans une gigantesque maison, non loin des champs de canne àsucre. Il se sont mariės il y a onze ans, chacun ayant des enfants (indépendants maintenant) d'un précédent mariage. Lui est Zimbabwéen d'origine, et gère une société de transport de canne à sucre, elle, est Sud-africaine et fabrique des cordons àlunettes en perles qu'elle vend aux opticiens. Quand elle a découvert que j'avais travaillé dans l'accessoire de mode avec les chinois, elle m'a montré toute sa collection et son atelier. Elle me disait que, depuis que les chinois ont débarqué en Afrique du sud il y a deux ans, elle a du mal à se réapprovisionner en perles de qualité, car le « Made in China », ce n'est pas vraiment ce qu'elle recherche... Elle est toujours à l'affût de trouvailles, de babioles, de produits d'occasion qu'elle pourrait recycler et revendre au prix « design ». Fouiner et faire du neuf avec du vieux, c'est dans sa nature... Elle a fait ça toute sa vie, car en tant que mère célibataire, ce n'était pas facile tous les jours... Environ tous les dix jours, elle retourne en Afrique du sud pour trouver la babiole qui va bien, mais aussi pour retrouver l'air de la ville, car au fond, c'est une citadine...
Une autre activité d'AxxA, et qui prend, je dirais 90 % de son temps, c'est de faire la chasse aux scammers... Les scammers, pour ceux qui ne le savent pas, ce sont ces personnes qui te contactent sur internet en te promettant monts et merveilles dans le simple but de te soutirer de l'argent. Elle a commencé il y a trois ans, après avoir été harcelée par l'un d'entre eux. Elle a fait des recherches, et s'est rendu compte que de nombreuses femmes ont été volées, ont disparu et même ont été tuées par ce biais. La plupart des scammers sont originaires du Nigeria. Ils empruntent une fausse identité, mettent une jolie photo d'un gars bien sous tous rapports et te contactent sur des sites de rencontres en te disant qu'ils sont veufs, qu'ils élèvent seuls leur enfant malade d'un cancer et qu'ils ont besoin d'argent pour le traitement médical, ou bien qu'ils gèrent un business et qu'ils ont besoin d'un cofinancement... Ils débordent d'imagination pour convaincre ces femmes en détresse qui veulent à nouveau rencontrer l'âme sœur...
Elle a contacté la police du Nigeria, l'EFCC, la CIA Nigériane, les journalistes et tous ceux qui voudraient bien écouter son histoire... Un des journalistes l'a écouté et le gars qui l'avait harcelée a été appréhendé. Depuis ce jour, elle passe ses journées et soirées sur son BlackBerry à répondre aux messages des scammers, à récupérer les informations qu'ils divulguent sans s'en rendre compte, et à les reporter à des groupes anti scammers, notamment à une branche de l'armée américaine (beaucoup des identités utilisées par les scammers appartiennent à des soldats américains morts aux combats), afin de démanteler ces réseaux. Grâce à elle et à ses « homologues » internationaux (elle travaille toujours avec le journaliste nigérien qu'elle avait contacté, et aussi avec des victimes du monde entier qui ont décidé de leur mettre des battons dans les roues), 288 scammers nigériens ont été arrêtés en deux ans. Chaque jour, elle en dénonce jusqu'à cinq... Une justicière des temps modernes !
En trois ans, elle a eu le temps d'étudier leur tactique. Chaque semaine, leur mail d'introduction est différent... Tu as la semaine des militaires, des pères de familles qui recherchent une nounou, des businessmen, des enfants aussi... Ils ne reculent devant rien... Un jour, elle a été contacté par un soit-disant garçon de treize ans ayant « quelque chose à lui demander ». Certains soirs, on s'amusaient à rentrer dans leur jeu... Il y a des jours où elle était contactée par une quinzaine de nouvelles personnes... Un job à temps plein que de répondre à tous, mais qu'elle prend à cœur, car ce sont ces personnes qui ont embringué ses deux neveux dans la délinquance et qui les ont tué...
Et puis il y a Loupsiana aussi... La femme de ménage... Elle vient tous les jours de 7h00 à 15h00, sauf le dimanche, pour un salaire de 1000 Lilangenis par mois (soit environ 100 €), qui, contrairement à ce que l'on pourrait penser, est bien plus que le salaire minimum pour ce type de poste. Tous les jours elle vient pour astiquer la maison et s'assurer que ses pensionnaires ne manquent de rien. La vie n'est pas facile pour elle. Elle a du mal à boucler les fins de mois, et doit élever seule sa fille d'un an. Son rêve est de partir du Swaziland, et d'ouvrir son restaurant en Afrique du sud. Elle a déjà des certificats qui lui permettent de cuisiner. Maintenant, elle veut juste apprendre à patisser...
Chez AxxA, la vie se passe dans la cuisine. Au petit déjeuner, c'est préparation de la nourriture des animaux et discussion sur les scammers qui l'ont contacté dans la nuit ; sur les coups de 9h00, c'est la pause de NxxxY qui prend une tranche de pain et une tasse de café ; 11h00, c'est la préparation du déjeuner ; vers midi, c'est la pause déjeuner de NxxxY. Selon les jours, il mange à table, ou il prend juste une tranche de pain avec des saucisses type Herta. Dans l'après midi, c'est réponses aux scammers en écoutant la musique diffusée en boucle depuis son ordinateur, jour comme nuit (ici, on n'éteint jamais la télé, même si personne ne la regarde, ni la musique de l'ordinateur, ni même les lumières) et tchat sur son BlackBerry avec ses amis ; vers 17h00, si elle n'est pas sortie avant, elle va récupérer la salade et les épinards dans son jardin potager situé à 500 m de la maison, la nourriture les dassies. Chaque soir, c'est trois salades et des grandes feuilles d'épinard disposés sur un grand plateau. À 18h00, c'est la nourriture des chats (du poisson pour trois d'entre eux, des boîtes de conserve pour les autres), de Gecko, la mangouste (deux œufs brouillés bien cuits) et le dîner. On mange tôt ici, car dans les exploitations agricoles, les horaires de travail, c'est du 4h30-17h00. Selon les plats cuisinés, les soirs et l'humeur de chacun, le diner est soit autour de la table, mais la plupart du temps, NxxxY mange devant la télé et AxxA dans la cuisine avec un de ses trois téléphones portablesà la main (un pour ses amis, un pour les scammers et le dernier pour les clients potentiels de gâteaux). À 20h00, NxxxY va se coucher, AxxA, elle n'a pas d'heure... C'est selon les jours, selon si les dassies se battent ou sont calme (les huit dassies vivent dans sa chambre), selon si les scammers la maintiennent éveillée, ou selon si elle a un gâteau à préparer.
Durant mon séjour, j'ai alterné glandouille, visites chez des amis, sport, ateliers cuisine, et « Friday Braai »... J'en suis partie, puis revenue... Au final, j'y aurais presque passée quinze jour... Bref, plein de choses à raconter !
Ma journée type commençait par un jogging matinal dans les champs de canne à sucre. Le meilleur endroit pour courir à vrai dire, car plat, sans voiture, dans la nature, et ça sent bon le caramel (au lieu du sel des embruns comme à Durban, port Elisabeth ou East London, ta peau a le goût du sucre de la mélasse qui est dans l'air)... Quand tu cours, tu entends, en effet, la vie entre les branches serrées de la canne, et tu peux voir, de temps à autre, des animaux sortir du champ pour traverser le chemin et grimper dans l'arbre d'à côté. Puis tu as de quoi faire... 3.767 hectares de canne à perte de vue. Même si chaque jour j'empruntais plus ou moins le même chemin, le paysage changeait, car nous étions en pleine saison des récoltes. Un jour le champs était vert, un autre il était en flamme, le jour d'après il était en train d'être dépecé à coups de machette (l'entreprise a bien essayé d'automatiser la coupe de la canne à sucre, mais les ouvriers ont volontairement endommagé les machines en les bourrant de canne, pour protéger leur emploi) et le suivant, complètement ruiné...
Après une bonne heure, je rentrais et prenais mon long petit déjeuner, soit dans la cuisine sombre (la maison a été construite pour éviter les chaleurs de l'été) et enfumée (AxxA est une fumeuse invétérée), mais en bonne compagnie à discuter de tout et de rien, soit, quand il faisait super beau, dans le jardin, à écrire mon blog au soleil, en compagnie de Leeu, le labrador de deux ans qui attendait que je lui lance son Frisbee, de Shakira, l'epagnol breton de douze ans qui venait me voir pour avoir des caresses, et Gecko, la mangouste, qui ne rêvait que d'une chose : me choper le mollet !
Après ma douche, ma seconde journée commençait... Et là, j'alternais entre glandouille et cuisine... Il y a eu hachis parmentier, aloo gobi, tarte tatin, gâteaux aux pommes renversées, clafoutis au raisin, etc., mais surtout l'atelier « glaçage » et « cup cake» pour le porte-parole du roi. Oui, car c'est un client d'AxxA. Pour le premier anniversaire de son fils, il avait commandé un gâteau « Hello Kitty », un gâteau en forme de « 1 », et cinquante cup cakes. Vue la quantité, mon aide n'a pas été de refus... Ce jour là, la cuisine était remplie de gâteau, au grand désespoir de NxxxY, qui les sent et les voit, mais ne peut pas y toucher... Les seuls gâteaux auxquels il a droit, sont ceux que les clients ne viennent pas récupérer, ou quand il y a un loupé... Grand gourmand qu'il est, quand j'ai fait mes gâteaux, il n'a même pas attendu que les pommes de la tarte ou les raisins du clafoutis refroidissent, et il s'est brûlé les lèvres. Pour le refroidir plus vite, il a mis sa part dans le congélateur... Un grand enfant ! Quant à AxxA, elle n'est pas gourmande pour un sou... Elle préfèrera un sandwich aux chips (j'ai découvert que cela pouvait exister ici) à un gâteau fait maison !
Il y a même un soir, où nous avons eu une session « night baking ». Une église du Zimbabwe avait, pour une congrégation, commandé un gâteau en forme de bible. Ils souhaitaient être livrés le samedi matin à 7h00, ce qui voulait dire le préparer le vendredi soir. Mais vendredi soir, c'est « Friday Braai », et tu ne peux pas y échapper !
Le « Friday Braai », c'est tout le temps chez DxxxE et SxE que cela se passe... Le fameux couple de quinquagénaires... C'est tout un rituel qui peut durer toute la nuit... Tu dois d'abord boire en attendant que les braises du feu se forment. Tu finis ton verre ? DxxE te le rempli à nouveau... Le premier round commence... Ce sont les Babalaas, de petites saucisses considérées comme un amuse-gueule, mais qui pour moi sont déjà le plat de résistance... Puis viennent le steak, puis les chops, puis les côtelettes, puis les boerewors... Le tout arrosé et brandy coca, de bière, de spin ou d'amarula... Qu'importe pourvu que tu boives... Et tu as quatre ou cinq rounds comme ça, qui peuvent t'amener jusqu'à 4 ou 5h00 du matin. Et ne t'avises pas de sauter un round, DxxxE risque de le prendre perso ! Pendant que l'une des bidoches est sur le feu, notre estomac fait une pause, et c'est l'occasion de refaire le monde... Politique, potins, problèmes domestiques, projets, et musique à fond sur des rythmes blues, country ou africains...
Un soir, nous avons parlé du Zimbabwe, car c'est là que DxxE a grandi... Il se rappelle du beau pays qu'il a dû quitter dans les années 1980 quand Mugabe a pris goût au pouvoir... Aujourd'hui, il n'a même plus la nationalité zimbabwéenne, car au moment de renouveler son passeport, le gouvernement lui a refusé, car il était blanc... (Les propos de Mugabe sont clairs : « Notre parti doit continuer de faire entrer la peur dans le cœur de l’homme blanc, notre véritable ennemi. », « Le seul homme blanc que vous pouvez croire est l’homme blanc mort. », « L’homme blanc est ici comme le second citoyen : vous êtes en numéro un. Il est numéro deux ou trois. C’est ce qui doit être enseigné à nos enfants. »). Par chance, son père, en son temps, avait demandéla nationalité britannique, donc il a pu l'obtenir aussi, mais certains n'ont pas eu cette chance, notamment NxxxY qui a immigréen Afrique du sud puis au Swaziland sous le statut de réfugié politique. Il me disait que son rêve (de son père) était de retourner chez lui, dans sa ferme, mais il n'en a pas eu l'occasion... Il est mort avant. Il m'a montré son passeport zimbabwéen... Du temps où c'était encore la Rhodésie. Une pièce d'histoire...
Avant d'obtenir son indépendance en 1965, le Zimbabwe était une colonie britannique. Au fur et à mesure des changements politiques, le pays a vu son nom évoluer : Rhodésie du Sud avant que la Rhodésie du nord (l'actuel Zambie et Malawi) ne devienne indépendante, Rhodésie, quand il n'y eu qu'une seule Rhodésie, puis Zimbabwe-Rhodésie, quand ils se sont rattachésà nouveau à la couronne britannique (pour moins d'un an), puis enfin Zimbabwe quand le pays pris à nouveau son indépendance en 1980, et que les « emmerdes » ne commencent !
C'est en effet, à ce moment là, que l’ancien chef de guérilla, Robert Mugabe entre dans la scène politique, d'abord en tant que Premier Ministre en 1980, puis comme président en 1987. Il modifie la constitution, accentue l’autoritarisme du régime, procède aux premières expropriations de fermes appartenant à des Blancs (des fermiers et certains de leurs employés noirs sont blessés, voire même tués), s'auto-ré-élu Président (l’honnêteté de l’élection présidentielle a grandement été contestée). L'économie commence à s'effondrer : Le pays, autrefois appelé « grenier à blé de l'Afrique » et fournisseur de denrées au Programme Alimentaire Mondial, en devient, en quelques années, client, car les terres cultivables qui étaient détenues à 47 % par des fermiers blancs et qui rapportaient plus de 50 % du PIB, ont été morcelées ou redistribuées à des amis du régime, sans la connaissance technique ni le matériel nécessaires pour gérer des exploitations. Conséquences : le pays ne peut plus subvenirà ses besoins et 70 % de la population se retrouve sans emploi. Sur les 4500 fermiers blancs que ne comptait le Zimbabwe avant la réforme agraire de Mugabe, il n'en reste que 400 aujourd'hui... Et la traque n'est pas encore fini...
Il m'a aussi sorti un billet de dix millions de dollars zimbabwéen, qui ne vaut strictement rien. Ses employés à la ferme les utilisaient pour rouler leurs cigarettes ! Oui, car la monnaie a subi une telle inflation (jusqu'à 10 millions de % en 2008), que la population a été contrainte de revenir à une économie de troc et à la marche à pied car il n'y avait plus de diesel pour faire rouler les bus. De ce fait, en 2009, le dollar zimbabwéen a été remplacé par le dollar américain.
Malgré la politique et la gestion déplorable du pays, et ce sentiment de ne pas être les bienvenus dans leur propre pays, la plupart des zimbabwéens veulent y retourner... ils disent tous que, sans Mugabe, le Zimbabwe est un beau pays...
Ce jour là, le braai a fini à 3h30 du matin... La bible gâteau, nous l'avons faite en rentrant, et terminée à 5h00 du matin... La nuit fut courte...
Et puis certains jours, je m'organisais quelques activités... Sa maison étant située à proximité de trois grands parcs nationaux (Mbuluzi, Hlane et Mlavula), j'en ai fait la tournée...
Nous avons commencé par le Mbuluzi, une réserve de 60.000 hectares, entre rivière et montagne. Ici, AxxA a son droit d'entréeà vie, car c'est là qu'elle réintroduit la plupart des animaux dont elle s'est occupée. Le zèbre en fait partie, et quand elle y repasse de temps à autre, il lui arrive de le croiser et de le reconnaître. Ce jour là, nous ne l'avons pas vu, mais ce sont des girafes et des springbok que nous avons croisé.
Puis j'ai fait un safari au coucher soleil dans le parc de Hlane, spécialisé dans les lions. J'étais avec un couple de français et leur enfant, qui n'arrêtait pas de poser des questions, et un couple de russes, qui n'en décrochait pas une ! Là nous avons eu la totale : girafes, gnous, kudus, springboks, éléphants, rhinos et... lion et lionne. Le camping étant la seule option abordable, AxxA avait emprunté une tente à un de ses amis, afin que je puisse dormir au milieu de la réserve. Ma seule compagnie cette nuit là, les impalas qui mugissaient... S'en était limite flippant !
Je pesais en avoir fini avec les game park, mais comme le jour d'après, les transports étaient inexistants du fait du 1er mai, j'ai décidé d'en faire un de plus, celui de Mlavula. Ici, pas de « big five », que des petites antilopes et des phacochères avec qui tu peux marcher en liberté. De ce fait, le nombre de touristes est plus limité, et je me suis retrouvée toute seule, sous ma tente, dans un campement désert, sans eau, ni électricité. Quand j'ai entendu le bruit d'un moteur, j'ai juste prier pour que ce soit quelqu'un du parc qui venait pour ouvrir l'eau et le gaz.
Une camionnette est arrivée. À son bord un Allemand, un Swazi et une tortue avec GPS incorporée... L'allemand est arrivé au Swaziland il y a un an et demi pour étudier la vie et les déplacements des tortues. Sa mission s'achève dans deux mois, et il en commence une autre au Cameroun pour sensibiliser la population sur l'importance de ne pas travailler la terre des parcs nationaux, rendant les sols trop acides, et détruisant ainsi la faune et la flore locale. Il habite sous une tente depuis le début de sa mission, et connaissait donc parfaitement les lieux... J'ai donc pu avoir mon gaz et mon eau...
Ce soir là, ils étaient conviés à une soirée football en ville, et m'avait donné pour mission de débrancher la batterie du GPS une fois chargée. Ils ont branché la batterie, ont bloqué la tortue entre trois chaises à barreaux pour ne pas qu'elle s'échappe (sa boîte avait cassé le jour même en tombant d'une chaise), et sont partis. Pendant mon dîner, et ma soirée, je jetais régulièrement un œil sur la tortue et la batterie, jusqu'a ce que je m'aperçoive que le fil d'alimentation avait été coupé(vraisemblablement par la tortue qui, à force de pousser les chaises pour s'en échapper). Sur les coups de 23h00, ne voyant personne rentrer, je décide à aller me coucher (c'est tard 23h00 quand tu n'as rien d'autre à faire que de veiller sur une tortue)... Je réajuste les chaises, ajoute des pierres pour sécuriser son enclos et cours me réfugier sous ma tente (je n'ai jamais trouvé très rassurant que d'être toute seule, dans le noir, au beau milieu de nulle part...). En me réveillant le lendemain, j'ai appris que la tortue s'était fait la belle... Par chance, la batterie du GPS avait chargé suffisamment pour pouvoir localiser la tortue et suivre ses mouvement pendant au moins trois semaines... Une force de la nature cette petite bête !
Après une nuit dans le bush et une journée à rechercher les trails introuvables (et pour cause, tous les chemins de randonnéeétaient fermés. J'ai quand même marché mes 17km, et vu mes amis les babouins, les kudus et les phacochères). J'étais contente quand AxxA est venue me récupérer (sans voiture, impossible d'y accéder), de retrouver la civilisation. C'est ce jour làque j'ai fait la connaissance de SxxxE, le manageur du Simunye club, son ami qui m'avait prête la tente. Lui aussi est Zimbabwéen, lui aussi a dû fuir son pays quand Mugabe est arrivé... Il avait 16 ans. Un de plus ! Visiblement, il a l'air heureux ici. Il gère le club de la ville, et a peu de soucis a ce faire car la concurrence est inexistante, depuis qu'un Swazi a repris la direction du club de Tambankulou, la ville d'à côté. La qualité du service, de la nourriture et des prestations a tellement baisser, que toute la clientèle préfère faire quelques kilomètres de plus pour se rendre au club de Simunye. Il nous a inviter à déjeuner dans le restaurant du club... Un buffet gastronomique, où, en plus du gigot d'agneau ou de la pièce de bœuf rôti, j'ai pu découvrir une nouvelle spécialité locale : Le pumkintop...
Et puis un jour, elle m'a emmenée dans leur maison du bord de lac... C'est là que NxxxY passe tous ses week-ends... Pour décompresser, pour se retrouver (c'est un grand solitaire... J'ai dû faire trois ou quatre braai avec leurs amis, NxxxY n'en n'a fait aucun...), mais aussi pour finir de la construire... Il y a une vingtaine d'années, ils ont acheté un terrain au bord d'un lac d'un barrage, dans la campagne très profonde du Swaziland et ont décidé d'y construire une maison sur pilotis pour leur vieux jours, car quand il partira à la retraite, ils devront quitter leur maison de fonction. Il lui reste cinq ans pour la finir... À notre retour, nous sommes passées chez le dernier couple blanc des environs. Un couple d'une soixantaine d'années... Elle, vient de l'Eastern Cape, et lui du Kwazulu Natal. Il travaille dans le transport de la canne à sucre, d'où leur présence dans cette région...
Ahhh, AxxA au grand cœur... Elle a été une vraie mère pour moi... Elle m'a soignée pendant les deux jours où j'étais clouée au lit, elle a appelé la terre entière pour trouver quelqu'un qui me conduise à la frontière, elle a attendu avec moi que le bus finisse sa tournée pour pouvoir récupérer le sac que j'avais oublier a l'intérieur... Ça a été dur que de se séparer...
A suivre...